Après la France, la Chine, le Japon, la Corée...

Entre les USA et l'Afrique, une nouvelle page s'écrit désormais. Trois axes principaux guideront les rapports entre le pays de Barack Obama et les Etats africains : tolérance zéro pour les foyers de tensions, requalification des conditions de vie des populations et davantage de démocratie. Cet agenda, le président américain compte l'exposer à 47 de ses pairs africains lors d'un sommet qu'il convoque en août 2014, à l'instar de la France, la Chine, le Japon, la Corée... Une nouvelle approche de la coopération voit le jour.

L'Amérique ne voudrait pas donner l'impression de se désintéresser de l'Afrique. Ce qui serait considéré comme une mauvaise analyse des mutations en cours sur le plan planétaire. Continent de l'avenir, l'Afrique n'est plus seulement ce nain auprès de qui on vient seulement puiser des matières premières. Le continent noir représente à brève échéance un important marché pour les pays industrialisés. Le fait pour l'Afrique d'avoir résisté à la crise ne pouvait laisser dans l'indifférence une puissance comme les USA.

Le chaos engendré par la crise de 2008 a convaincu tous les Etats que des économies construites sur la spéculation regorgent les germes de leur propre explosion. Aux conséquences incalculables. D'où, la nécessité de s'investir dans l'économie réelle en vue d'éviter de produire des richesses abstraites, qui aboutissent à un mur infranchissable.

Les Etats-Unis ont compris que l'Afrique est en train de se relever et s'érigera, à très brève échéance, en une réelle attraction des économies mondiales. La majorité des Etats africains n'alignent-ils pas de taux de croissance positifs voire à deux chiffres pendant la période de crise ?

Au cœur de tous les dispositifs

La relance économique par la voie de l'économie réelle fait de l'Afrique le centre de prochains intérêts économiques, mais aussi géostratégiques. Les pays émergents au flair aigu ont donné le signal. Bien auparavant, la France avait fait de l'Afrique quasiment sa chasse gardée. Les sommets France-Afrique abordaient également des questions de développement. Même si la politique prenait régulièrement le dessus, les réunions des chefs d'Etat de France et d'Afrique traitaient également des questions économiques et commerciales.

Dans cet élan, le Japon était la première des puissances autres qu'occidentales à instaurer une tradition d'échanges basés essentiellement sur des questions économiques et commerciales. C'est dans cette optique qu'il faut classer l'organisation des Ticad. En 2013, cette rencontre entre le Japon et l'Afrique était à sa cinquième édition sans discontinuer.

Le Premier ministre japonais ne s'était pas privé lors de la dernière édition du Ticad de marteler : «Dans les années 90, années durant lesquelles la communauté internationale, dans les circonstances de l'après-guerre froide était en passe d'oublier l'Afrique, le Japon, seul à croire dans le développement de ce continent, à initié la Ticad ». A l'occasion, 24 milliards de dollars américains étaient consacrés au continent sur les infrastructures, la formation professionnelle, la santé et l'agriculture.

La Chine, elle non plus, ne s'est pas fait prier pour instaurer officiellement une rencontre au sommet avec les dirigeants africains. Ayant pris pied sur le continent, l'Empire du Milieu ne lésine pas sur les moyens pour soutenir les pays africains. Les échanges commerciaux entre la Chine et ces derniers ont franchi le seuil psychologique de 200 milliards USD.

Malgré les reproches formulés contre cette coopération, il convient de retenir qu'elle se consolide davantage. Lors du 5ème Forum sur la coopération sino-africaine de Pékin en 2012, la Chine avait annoncé la mise en œuvre du «plan spécial pour le commerce avec l'Afrique », constitué de facilités à l'exportation vers la Chine.

A leur suite, la Corée. Celle-ci est sortie de sa tour d'ivoire pour consacrer sa diplomatie à des échanges avec des dirigeants africains sur des questions de développement économique et du commerce.

Le triptyque américain

L'avènement de Barack Obama avait suscité beaucoup d'espoir en Afrique. Son premier mandat avait été qualifié de décevant, particulièrement pour l'Afrique noire.

Les Africains au Sud du Sahara avaient considéré que le président américain ne s'était pas suffisamment penché sur le sort du continent noir. Dans certaines régions comme l'Afrique centrale, la continuité de la politique du clan Clinton avait perduré.

Selon des observateurs, cette période a été mise à profit pour peaufiner d'autres stratégies pour sortir l'Afrique de l'ornière. L'approche de multiplication des foyers de tension, allumés par les Bush puis endossés par les Clinton, tend à être remplacée par la coopération basée sur l'économie et le commerce. Tirant le modèle des pays émergents, les USA viennent d'ouvrir la voie vers une coopération plus dynamique.

La prolongation de l'Agoa (African Growth and Opportunity Act) jusqu'en 2015 n'a pas convaincu le président Obama. Il a tenu à aller au-delà. Plus d'une décennie après son entrée en vigueur, l'Agoa n'a pas satisfait aux intentions affichées de levier du développement et de créateur de revenus et d'emplois dans des secteurs d'activités considérés, à juste titre, comme déterminants pour faire décoller les économies africaines, à savoir le textile, l'agro-industrie, l'artisanat.

Dans la perspective de l'échéance 2015, le président Obama compte tracer avec ses pairs africains, les contours de la nouvelle approche, avec leurs Etats respectifs. Aussi a-t-il mis à jour le triptyque «sécurité-démocratie et développement ». Cela d'autant que ces trois domaines sont intimement liés.

C'est dans cette optique qu'il faut classer l'invitation lancée à 47 chefs d'Etat africains du 5 au 6 août prochains à la Maison Blanche par leur homologue Barack Obama. C'est ce qui ressort d'un communiqué de la présidence américaine daté du mardi 21 janvier 2014. Cette rencontre, le chef de l'administration américaine l'avait appelé de ses vœux au terme de sa tournée africaine effectuée en juin dernier.

Ce sera l'occasion de «renforcer les liens avec l'une des régions les plus dynamiques », dit-on à la Maison Blanche. En toile de fond, un accent particulier sera mis sur le commerce et les investissements en Afrique. Etant attendu que les USA comptent tirer profit de la croissance en Afrique en l'accompagnant. Aussi, la sécurité passe pour le socle sur lequel tout le processus pourrait se construire. Les USA ont ainsi tiré les leçons du passé que les bruits des bottes ne s'accommodent pas d'efforts de construction des économies.

Conséquence : Washington s'active à éteindre tous les foyers de tensions sur le continent, qu'il s'agisse de ceux allumés par l'administration américaine ou ceux entretenus par d'autres puissances.

Tournant décisif

Une fois la sécurité optimale obtenue pour un meilleur exercice du business, les USA ne manqueront pas de faire le ménage sur le terrain de la démocratie et de la gouvernance. Le deuxième axe de ce triptyque sera le plus difficile à réussir d'autant plus qu'il s'agit d'établir la frontière de la souveraineté, particulièrement dans le choix des animateurs. L'époque des tyrans serait donc révolue. Seuls des dirigeants issus des élections crédibles auront droit au chapitre.

Par voie de conséquence, ils bénéficieront de la bienfaisance de nouvelles dispositions américaines. L'objectif ultime étant le bien-être des populations, les USA sont d'avis que les deux autres axes sont des préalables à remplir.

«Ce changement d'approche des Etats-Unis fera l'effet d'un tsunami pour ceux des dirigeants africains qui opteront pour la résistance », estime un analyste de Kinshasa sous couvert d'anonymat. Le même analyste poursuit : «Pour tous ceux qui en percevront la quintessence, ils tireraient des bénéfices substantiels pour leurs pays respectifs. Mais aux esprits obtus ou tordus, conclut-il, ceux qui ne savent pas lire les signes du temps et se mettent en marge des mutations internationales, ils ne s'en prendront qu'à eux-mêmes ». Bref, ils se seront mis du mauvais côté de l'histoire.

Les USA s'engagent donc sur la voie de la récupération du retard enregistré et en même temps sur celle de la remise à flot des économies africaines et de la dignité des peuples africains.

LP

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