La sécurité n'a jamais été absolue sur l'ensemble du territoire de la République démocratique du Congo. Contrairement aux assurances de Kinshasa, un groupe d'experts des Nations unies qui travaillent sur la RDC pensent que des poches de résistance demeurent intactes, particulièrement dans l'Est du territoire national où des groupes armés tels que les FDLR et les ADF-Nalu ont gardé toute leur capacité de nuisance.

Le chemin pour la pacification de l'Est est encore long. Les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et les ADF-Nalu, sans compter les ex-rebelles du M23 n'ont pas totalement perdu leur capacité opérationnelle. Contrairement à Kinshasa qui croit avoir rétabli l'ordre sur l'ensemble du territoire national, un groupe d'experts des Nations unies qui travaillent sur l'Est de la RDC développe un point de vue contraire.

Dans un rapport à mi-parcours, dont Rfi dit s'être procuré une copie, les experts onusiens s'inquiètent du regain d'activités de certains groupes armés dans l'Est de la RDC. C'est le cas, mentionnent-ils, des FDLR et des ADF-Nalu qui, malgré les opérations lancées contre eux, n'ont pas totalement été mis en déroute.

Pire encore, dans leur rapport, les experts des Nations unies font également état de la résurgence des ex-rebelles du M23 à partir du territoire ougandais. Ce qui une fois de plus remet en cause la neutralité dont l'Ouganda se prévaut dans toutes les initiatives mises en œuvre autant dans le cadre de la CIRGL que celui des Nations unies pour un retour rapide de la paix dans l'Est.

En outre, ce rapport devient plus révélateur lorsqu'il rend compte de manière particulière de l'activisme des FDLR et des ADF-Nalu. Alors qu'à Luanda, les ministres de la Défense et de la sécurité de la CIRGL et de la SADC ont accordé un délai de grâce de six mois aux FDLR pour une reddition volontaire, les experts onusiens rapportent que les rebelles rwandais ont intensifié leur programme de recrutement dans l'Est.

Des ex-combattants FDLR et des sources onusiennes ont fait part au groupe d'experts que les FDLR continuaient de recruter et d'entraîner des individus. Dans le rapport, deux responsables des FDLR, dont Ferdinand Nsengiyumwa, arrêté récemment par l'armée congolaise avant de s'évader, et Hamada Habimana, présenté comme un déserteur, ont à nouveau rejoint la rébellion rwandaise depuis mars 2014 dans la phase de reconstitution de ce mouvement. Hamada Habimana faisait d'ailleurs partie, révèle RFI, de la délégation qui était à Sant'Egidio.

Le groupe d'experts des Nations unies indique, citant le président par intérim des FDLR, que celui-ci s'activerait à créer des liens avec des partis politiques rwandais de l'opposition, tout en cherchant à «mobiliser des soutiens internationaux et forcer le gouvernement rwandais à négocier ».

Les experts onusiens expriment les mêmes inquiétudes concernant les ADF-Nalu dont ils disent qu'ils ont conservé leur capacité de nuisance, malgré diverses opérations lancées contre eux par la coalition FARDC-Monusco. Excluant tout lien entre les ADF-Nalu et les FDLR ainsi que les islamistes somaliens, Shebabs, le groupe d'experts est convaincu que la chaine de commandement et opérationnelle des rebelles ougandais n'a pas été sérieusement amputé à la suite des opérations de neutralisation leur visant. A telle enseigne que les ADF-Nalu sont aujourd'hui plus nuisibles qu'ils ne l'ont été antérieurement.

Que retenir de toutes ces révélations des experts des Nations unies ? Le plus évident est que leur rapport remet totalement en cause toutes les assurances que Kinshasa a étalées.

L'autre son de cloche

A ce propos, l'on se rappelle que dans son message de 54 ans de l'indépendance de la RDC, le président de la République s'est voulu rassurant sur la sécurité dans l'ensemble du territoire national. Sur un ton plein d'optimisme, le chef de l'Etat s'est exprimé en ces termes : «J'annonce solennellement à la Nation congolaise que nos forces armées ont le contrôle absolu de l'ensemble du territoire national ». Plus loin, il s'est félicité que «face à l'insécurité récurrente qui, pendant plusieurs années, a miné certaines parties de notre pays, nos forces armées et de sécurité ont remporté une victoire éclatante sur l'ennemi et rétabli l'ordre et la sécurité sur l'ensemble du territoire national ».

Comme on le voit, ce sont ces assurances que balaient les révélations contenues dans le rapport à mi-parcours des experts de l'Onu sur la RDC. Kinshasa doit apparemment revoir ses calculs. C'est le moins que l'on puisse dire. Tout autant aussi, l'on doit s'interroger sur la forte présence des troupes onusiennes dans l'Est de la RDC.

Sur ce point, l'on doit souligner que depuis le 1er juillet de cette année, la Monusco a décidé de concentrer l'essentiel de ses forces dans l'Est, avec pour principal objectif la neutralisation de tous les groupes et milices armées qui écument dans cette partie de la RDC. Sans compter, la Brigade spéciale d'intervention des Nations unies qui a été particulièrement mise en place dans le seul but de se charger des groupes armés de l'Est, avec ou sans l'appui de Kinshasa.

Que l'Onu fasse aujourd'hui état du regain d'activités des FDLR et des ADF-Nalu, il y a de bonnes raisons de se poser des questions sur la portée réelle des forces onusiennes en RDC.

Dans tous les cas, contrairement à tout ce qui a été rapporté, l'équation de la sécurisation de l'Est de la RDC demeure encore et toujours très complexe.

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