Depuis 4 mois, les soldats congolais intégrés au sein de la force africaine en Centrafrique vivent sans salaire, dans des conditions précaires. Une situation ubuesque alors que le contingent congolais pourrait faire partie de la future mission des Nations-unies. En renvoyant la responsabilité sur Union Africaine, le gouvernement de la RDC marque son mépris vis à vis de son armée.

Les FARDC stationnés en République centrafricaine (RCA) sont-ils abandonnés ? Selon une source centrafricaine proche des autorités de Bangui, les 850 soldats congolais et les 150 policiers présents en Centrafrique dans la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misac) n'ont pas perçu leurs soldes depuis près de 4 mois. Ironie du sort pour cette source, les soldats congolais «font un excellent travail au sein de la Misca et sont très appréciés des Centrafricains ».

Surveillance des anciens Séléka à Bangui

Depuis le retrait mi-avril des troupes tchadiennes de la Misca, les soldats de la République démocratique du Congo (RDC) composent le gros des troupes africaines en RCA et se retrouvent en première ligne. Les FARDC constituent désormais une pièce maîtresse du dispositif sécuritaire déployé en Centrafrique aux côtés des 2.000 soldats français de Sangaris. Une compagnie congolaise est stationnée à Bangui, en charge de la surveillance des anciens éléments de la Séléka restés dans la capitale et encore armés. Les autres soldats sont basés à Bossangoa, Bria, Mobaye ou Batangafo, où ils ont remplacé les éléments tchadiens qui se sont retirés de la Misca.

Une neutralité dans le conflit

En Centrafrique, les soldats congolais ont une bien meilleure image que dans leur propre pays. Il faut dire que ce sont des troupes d'élites, les meilleures dit-on, qui ont été envoyées en RCA. «Lorsqu'ils stationnaient dans le quartier Fatima, où ils ont été remplacés par des Burundais, explique notre source centrafricaine, la population n'a cessé de les réclamer« . Contrairement aux Burundais, accusés par la population de soutenir «les musulmans« , «les Congolais affichent une neutralité autant vis à vis des anti-balakas que des ex-Séléka« , constate ce conseiller.

«Ils vivent en revendant les packs d'eau de la Misca »

Pourtant, les soldats congolais vivent dans des conditions «plus que précaires »en Centrafrique. En témoigne notre source proche de la présidence centrafricaine : «pour l'instant, ils n'ont pas encore touché la moindre solde. Cela fait 4 mois qu'ils sont en Centrafrique et ils n'ont qu'une seule tenue militaire. Ils n'ont pas de rechange, pas de télévision, ils dorment à même le sol et n'ont que 3 ou 4 vieilles Jeeps pour les interventions. L'armement est aussi très sommaire : ce sont essentiellement de vieilles Kalachnikovs. Les militaires n'ont pas d'argent pour acheter des crédits téléphoniques. Le service du renseignement du bataillon n'a pas d'abonnement téléphonique. Ils sont obligés d'acheter des petits crédits de 1000 F CFA pour téléphoner à ceux qui sont sur le front. Ils vivent en revendant aux Centrafricains les packs d'eau qu'offre la Misca (2.000 F CFA) pour pouvoir s'acheter des cigarettes ou des crédits téléphoniques. C'est un peu la honte« , conclut-il.

«Les soldes incombent à la Misca » selon Kinshasa

Un ancien officier congolais, présent en Centrafrique, s'est ému de la situation de ses ex-collègues. Il a décidé de contacter le Vice-premier ministre en charge de la Défense nationale, Alexandre Luba Ntambo, ainsi que le Chef d'Etat major général, qui a donné pour toute réponse que «la RDC était un pays post-conflit«. Pour Alexandre Luba, «il ne revient pas à la RDC de payer ses soldats, mais cela incombe à l'Union africaine«. Selon cet ancien officier congolais, la Misca aurait demandé à la RDC d'ouvrir un compte bancaire pour ses soldats en Centrafrique, ce qui aurait été fait. Il ne resterait plus qu'à la Misca de régulariser la situation. Concernant le manque de matériel et de logistique, le Vice-premier ministre congolais affirme «ne pas être au courant de la situation«.

Les FARDC futurs casques bleus ?

La révélation des conditions exécrables dans lesquelles travaillent les soldats congolais en Centrafrique tombe au plus mauvais moment. Les autorités centrafricaines, la France et désormais les Nations-unies qui préparent l'envoi de casques bleus en RCA, ont besoins de nouvelles troupes africaines pour composer leurs contingents. Et depuis la semaine dernière, la capitale centrafricaine renoue avec la violence après l'attaque de l'église Notre-Dame de Fatima. La Centrafrique pousse donc la communauté internationale pour que la RDC puisse intégrer la mission de l'ONU. François Hollande souhaite également que la RDC s'implique davantage dans la crise centrafricaine en augmentant le nombre de ses soldats. En contre-partie, la France devrait user de son influence au Conseil de sécurité pour la RDC fasse partie intégrante de la future mission des Nations unies en Centrafrique prévue à l'automne, mais plus vraisemblablement fin 2014.

Christophe RIGAUD

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