Quelque 98 pour cent de l'or produit en République démocratique du Congo (RDC) est exporté en fraude, ce qui contribue au financement des nombreux groupes armés proliférant dans l'est du pays, affirme le dernier rapport annuel - encore non publié - du groupe des experts de l'ONU sur la RDC, dont l'agence BELGA a obtenu une copie.

De nombreux groupes armés présents dans l'est congolais tirent des profits financiers de la production et du commerce des ressources naturelles qui abondent dans cette région riche en minerais divers.

En ce qui concerne l'or, le groupe d'experts souligne que de nombreux sites miniers se trouvent dans des zones "post-conflit" (c'est à dire où les combats ont généralement pris fin) mais que la production provenant de ces zones est mélangée avec celle de zones de conflit, "particulièrement dans les grandes villes de négoce de l'est de la RDC et dans les pays de transit (que sont les voisins) l'Ouganda, le Burundi et la Tanzanie".

L'absence de transparence dans le commerce de l'or rend difficile de distinguer l'"or des conflits" de celui provenant des autres régions, ajoute le rapport, extrêmement bien documenté et qui affirme aussi que les rebelles congolais du Mouvement du 23 mars (M23), vaincus en novembre dernier, ont bénéficié jusque fin octobre d'un soutien en provenance du territoire rwandais.

Les experts estiment que 98% de l'or produit en RDC est exporté en fraude et que la quasi-totalité de l'or traité en Ouganda, "le principal pays de transit" pour ce minerai précieux, est "exporté illégalement" depuis l'ex-Zaïre.

Le résultat de ces trafics est que la RDC et l'Ouganda "perdent des millions de dollars chaque année" à la suite l'absence de perception de taxes et "tolèrent un système qui finance les groupes armés en RDC, souligne le rapport, daté du 12 novembre et adressé à la présidence tournante du Conseil de sécurité des Nations unies.

Selon une estimation du Service géologique des Etats-Unis ("US Geological Survey") cité par le rapport, les mineurs artisanaux établis en RDC produisent environ 10.000 kilos d'or par an. Mais de janvier à octobre 2013, les exportations n'ont officiellement atteint que 180,76 kilos.

Les experts évaluent également la valeur de l'or exporté clandestinement du Congo en 2013 à des montants oscillant entre 383 et 409 millions de dollars. En se fondant sur la valeur estimée du minerai, le groupe estime que le gouvernement congolais a perdu entre 7,7 et 8,2 millions de dollars en taxes durant l'année 2013.

Les principales villes de négoce pour l'exportation illégale d'or dans l'est de la RDC sont Bukavu (le chef-lieu de la province du Sud-Kivu), Butembo (au Nord-Kivu), Bunia (chef-lieu du district de l'Ituri, en province Orientale), Ariwara (dans le même district) et Kisangani (le chef-lieu de la province Orientale).

Le rapport cite nommément une série de personnes spécialisées dans le commerce d'or, tant en RDC que dans les pays voisins, dont l'Ouganda, le Burundi et la Tanzanie.

Selon les experts, les mêmes trafics concernent la production congolaise des "trois T" (en anglais étain, tungstène et tantale), dont de nombreuses mines sont contrôlées par les groupes armés et les Forces armées de la RDC (FARDC, l'armée gouvernementale).

Et cela, en dépit des initiatives de l'Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE) et de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) sur la validation des sites miniers pour lutter contre l'exploitation illégale de minerais alimentant des conflits, souligne encore le rapport.

Belga

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