Il était évident que les engagements de Nairobi du 12 décembre dernier préparaient le terrain à de nouvelles incursions rwando-ougandaises dans l'Est du Congo. C'est le seul moyen de pression dont se servent Museveni et Kagamé pour « plier » les autorités de Kinshasa. Mais les dirigeants de Kigali n'auraient pas pris de sitôt le risque de relancer la guerre contre le Congo. Trop surveillés et trop discrédités auprès de la communauté internationale. C'est Kampala qui semble prendre le relai.

En effet, les derniers évènements en territoire de Beni, où la cité de Kamango[1] est passée sous contrôle de combattants en provenance d'Ouganda, avant d'être reprise par l'armée, résonnent comme le premier et le plus retentissant fait d'armes du « M23 version Kampala ». On sait, d'une fuite du dernier rapport des experts de l'ONU, que ce mouvement recrutait, à nouveau, en Ouganda et au Rwanda, les deux pays ayant prévenu qu'ils n'extraderaient pas les membres du M23. Tout n'était plus qu'une question de temps.

On a toutefois réussi à faire admettre à l'opinion internationale des récits invraisemblables. On attribue les attaques aux « rebelles ougandais »[2]. Des islamistes se faisant appeler ADF-NALU, en lutte contre le régime de Kampala.

Des récits invraisemblables

Ainsi les bandes armées qui sévissent dans le territoire de Beni seraient des rebelles ougandais. Ils seraient islamistes, soutenus par le Soudan et compteraient dans leurs rangs des djihadistes Shebab qui affluent de la Somalie. Ils attaquent l'armée congolaise, enlèvent des dizaines de gens, violent les femmes, et massacrent des populations sans motif apparent. Un récit qui aurait suffi à mettre la puce à l'oreille du commun des mortels.

Rien qu'en observant la carte de l'Afrique, on réalise que les islamistes somaliens ne peuvent pas se retrouver dans l'Est du Congo sans avoir traversé le Kenya et l'Ouganda d'un bout à l'autre. Deux pays qui ont déployé des troupes en Somalie et qui se battent sur place contre les Shebab. Nairobi et Kampala auraient ainsi ouvert leurs territoires nationaux comme un boulevard pour laisser les combattants somaliens déferler sur l'Est du Congo ?

Quant au soutien que les « islamistes » de l'Est du Congo recevraient du Soudan, il faut bien rappeler, toujours à l'appui de la carte, qu'entre l'Est du Congo et le Soudan, il y a l'Ouganda et le nouvel Etat du Soudan-du-Sud, tous les deux des pays hostiles au régime de Khartoum. Kampala et Juba laisseraient des agents soudanais venir opérer dans l'Est du Congo ?

Et en observant la conduite de ces combattants, on s'aperçoit qu'ils ne tirent pas un seul coup de feu en direction de l'Ouganda, le pays dont ils sont censés combattre les autorités. A la place, ils attaquent l'armée congolaise et s'en prennent à la population avec une sauvagerie à peine imaginable. Ils seraient assez bêtes pour ne pas savoir qu'en se conduisant de la sorte ils attirent sur eux l'animosité de la population locale et l'hostilité de deux gouvernements à la fois.

Quelqu'un croit toujours que c'est un mouvement hostile à Kampala qui multiplie des attaques contre le Congo, en oubliant de tirer un seul coup de feu en direction de l'Ouganda ?

Voir les choses en face

Les Congolais devraient faire l'effort de comprendre rapidement ce qui se passe et les premiers indices sont suffisamment parlants. Des combattants djihadistes n'ont pas la réputation de violer les femmes et de dépecer des enfants à la machette, comme on a pu le déplorer les 13 et 14 décembre derniers après les massacres de Musuku et Mwenda[3]. On n'a pas pu oublier si vite que ces pratiques barbares sont la marque des combattants rwando-ougandais, le M23 et les FDLR, pour ne pas les citer, ayant « produit »les plus abouties des scènes d'horreurs qui continuent de défiler dans nos têtes.

Parlant des deux mouvements, justement, la communauté internationale avait mis du temps avant de se rendre compte de la macabre supercherie qui se dissimulait derrière les monstruosités des (faux) FDLR.Pour la petite histoire, il fallait que ces rebelles, manipulés par Kigali, servent de prétexte pour offrir à Kagamé un motif légitime d'intervenir au Congo et d'y installer ses troupes, lesquelles devaient, à terme, faciliter l'annexion du Kivu, tout en se livrant, elles aussi, à des atrocités contre les populations congolaises. On revit les mêmes scénarios en territoire de Beni.

A Kamango, selon des sources locales, il s'agit bien de combattants venus d'Ouganda qui ont pris le contrôle de la cité avant d'en être délogés. On continuera de les appeler ADF-NALU ou « rebelles ougandais ». Mais il faut bien se rendre à l'évidence : il s'agit bien des combattants rwando-ougandais. Le M23 est de retour !

La « malédiction de Nairobi »

Il vaudrait mieux que les assaillants et leurs parrains soient rapidement reconnus par leur vraie identité et que leurs motivations soient portées à la connaissance du grand public. Museveni tient à faire revenir les membres du M23 dans l'Est du Congo pour poursuivre la même mission brossée dans les accords du 23 mars 2009 (balkanisation progressive du Congo).

Il faut s'attendre à des combats, des déplacements de populations, des massacres, des viols, de nouveaux sommets, de nouveaux accords,... Parce que Kampala et Kigali veulent, à terme, s'octroyer l'Est du Congo, mais ont besoin des signatures des autorités de Kinshasa, quelle qu'en soit la dénomination (accords de paix, pacte, engagements,...). Un vieux projet que les parrains des deux régimes ont déjà avalisé, ce qu'il faut toujours rappeler.

En définitive, les engagements de Nairobi n'auraient jamais dû être signés. Il fallait plutôt renforcer la sécurité de l'Est du Congo après la fuite des combattants du M23. L'attaque de Kamango résonne comme un avertissement de ce à quoi le Congo va devoir faire face si Kinshasa ne met pas rapidement en application les engagements de Nairobi.

Mais c'est aussi l'occasion de se rendre compte qu'à Nairobi, les Congolais avaient le choix entre la guerre contre un ennemi récidiviste, qu'on aurait réadmis sur le territoire national (les chevaux de Troie), et la guerre contre l'ennemi qui attaquerait le pays de l'extérieur.

Autrement dit, le choix entre la guerre et la guerre.

On ne signe pas ! On se prépare.

Boniface MUSAVULI

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