Population fuyant guerre - Goma

Depuis lundi 20 mai, et après plusieurs mois de trêve, les combats ont repris entre l'armée congolaise et les rebelles du M23 dans la zone de Mutaho, à une dizaine de kilomètres au nord de Goma, une ville proche de la frontière rwandaise. Les deux camps s'accusent mutuellement d'avoir relancé les hostilités. En novembre 2012, les hommes du M23 avaient mis en déroute la garnison gouvernementale et s'étaient brièvement emparés de Goma, malgré la présence de milliers de casques bleus de la Mission de l'ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco). Depuis, les pourparlers de paix engagés en Ouganda entre le gouvernement de Kinshasa et les insurgés marquent le pas.

Plus de 30 000 personnes ont fui depuis lundi le camp de déplacés de Mugunga, a indiqué le Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR). Thierry Goffeau, chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) au Nord-Kivu, qui est présent sur le camp de Mugunga, revient sur la situation à Goma.

Que se passe-t-il actuellement à Goma ?

L'annonce du déploiement de la nouvelle brigade d'intervention de la Monusco, composée de 3 000 soldats sud-africains, tanzaniens et malawites, ainsi que de la venue à Goma du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, ont déclenché ou accéléré la reprise des combats. Ils ont repris lundi avec des tirs d'artillerie. Certains tirs sont passés au-dessus des camps. Des obus sont tombés à côté du camp de Mugunga III et l'un d'entre eux à l'intérieur, faisant des blessés graves. La population a commencé à fuir les camps, notamment celui de Mugunga III où nous avons nos activités, dans la nuit de mardi à mercredi. Des salves d'obus ont touché Goma et le camp de Mugunga III à nouveau mercredi matin, faisant au moins quatre morts et dix-sept blessés. Mercredi, des gens quittaient encore le camp. Le calme est revenu depuis, des déplacés rentrent au camp et nos activités ont repris. Toutefois, les combats pourraient reprendre après le départ de Ban Ki-moon de Goma.

Quelle est la situation humanitaire dans les camps de réfugiés de Goma ?

La situation humanitaire était stable dans cette zone depuis décembre. Les camps n'avaient été ni ciblés ni attaqués depuis janvier. Il reste dans le camp de Mugunga III, seul camp officiel, 17 000 personnes. Environ 70 000 déplacés vivent sur d'autres sites à Goma. Ces populations, déplacées à la suite de la rébellion lancée en juillet par le M23, mais également du fait des combats importants qui se livrent entre milices dans certaines régions, ne peuvent pas rentrer chez elles. Certaines vivent dans des conditions difficiles depuis un an déjà, même si il l'ensemble des organisations non gouvernementales du monde sont présentes à Goma. MSF, pour sa part, offre depuis fin novembre à ces populations tout le panel habituel de soins, avec une attention particulière aux problèmes de malnutrition et de violences sexuelles.

Certains camps ont été à moitié vidés lors de la reprise des combats. Les déplacés n'ayant pas d'endroit où aller, ils se sont réfugiés à Goma, à Saké et dans les environs. Il y a un véritable problème de précarité et de fragilité pour ces déplacés car, à la moindre reprise des combats, les personnes recommencent à bouger et se retrouvent sans aide. On cherche donc à identifier d'autres endroits où les déplacés pourront aller.

Espérez-vous une amélioration de la situation avec le déploiement de la brigade d'intervention de la Monusco, chargée de neutraliser les groupes armés qui sévissent dans l'est de la RDC ?

C'est difficile à dire. On se prépare au pire car la brigade a un mandat offensif, ce qui peut donner lieu à de nouveaux combats et donc à encore plus de déplacés, de morts. On espère quand même que son déploiement aura un effet dissuasif. Mais la guerre au Nord-Kivu dure depuis une vingtaine d'années, alors on ne peut pas espérer que cela se règle en deux coups de baguette avec une brigade de 3 000 hommes.

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