Soldat Onu

La menace de l'Ouganda de retirer ses troupes des contingents onusiens chargés du maintien de la paix en Somalie, en République Centrafricaine et au Sud-Soudan, au cas où le Conseil de Sécurité des Nations Unies venait à valider le rapport de ses experts faisant état du soutien de ce pays à la rébellion du M23 dans l'Est de la RDC, s'est davantage précisée le dernier week-end. Wilson Mukasa, ministre chargé de la Sécurité, n'a pas mystère de l'option qui aurait été levée par le gouvernement ougandais, lors d'une conférence de presse qu'il a animé, vendredi à Kampala.

A l'en croire, la décision serait irrévocable. Il a même indiqué qu'une délégation ministérielle séjourne à New-York, siège de l'ONU, pour expliquer davantage aux membres du Conseil de Sécurité, les motivations de la position de son pays. Il a plusieurs fois martelé que l'Ouganda était fatigué et écoeuré d'être perçu comme un facteur perturbateur de la paix au Congo et dans la sous-région de Grands Lacs, alors que ses sacrifices humains, matériels et financiers ne se comptent plus pour sécuriser ses voisins ainsi que d'autres Etats du continent.

Curieusement, des diplomates en poste aux Nations Unies, qui se sont ouverts à l'agence Reuters, tout en confirmant la présence d'une délégation ougandaise à New York, conduite par Ruhakana Rugunda, envoyé spécial du président Museveni et ministre de l'Information et des Télécommunications, soulignent que l'intéressé est resté muet sur le sujet lors de ses entretiens avec des officiels onusiens. En tout cas, aucune allusion n'a été faite au retrait des troupes; ougandaises des missions internationales de paix auxquelles elles participent en Afrique. Selon les mêmes sources, rien n'indique que l'Ouganda a réellement l'intention de passer de la parole aux actes. On croit plutôt à une pression destinée à faire reculer les Nations Unies. Même l'ambassadeur Hardeep Sing Puri, qui assure la présidence du Conseil de Sécurité pour le compte de l'inde durant ce mois de novembre 2012, n'a pas été officiellement informé d'une telle initiative ou décision lors de sa rencontre avec la délégation ougandaise vendredi à New York.

Bref, l'on croit savoir que le régime de Kampala fait du chantage en direction de l'ONU. Et ce chantage tiendrait au fait que les soldats ougandais représentent plus du tiers de 17.800 casques bleus déployés par les Nations Unies et l'Union Africaine en Somalie, afin de barrer la route aux rebelles islamistes de la branche Al Qaida, qui tentent de renverser le pouvoir légal.

Ce sentiment de chantage est renforcé par l'aveu du porte-parole militaire de l'armée ougandaise, Félix Kulayigye, qui a indiqué que jusque-là, les militaires ougandais stationnés en Somalie n'avaient pas reçu un quelconque ordre de retrait. Si toutefois, a-t-il précisé, si pareille décision tombait, aucun soldat ougandais ne resterait un jour de plus en Somalie.

De l'avis des observateurs, un éventuel retrait des troupes ougandaises rendrait la situation sécuritaire de Somalie incontrôlable, compte tenu du rôle capital qu'ils jouent à Mogadiscio ainsi que dans un port comme celui de Kismayo. Les mêmes craintes concernent la situation en République Centrafricaine, au Sud-Soudan et même en République Démocratique du Congo, où l'armée ougandaise participe, aux côtés d'observateurs militaires américains, à la traque des rebelles de la LRA (Armée de Résistance du Seigneur) et leur chef, Joseph Kony.

Bref, le Conseil de Sécurité des Nations Unies, même s'il n'est pas officiellement saisi de la décision de Kampala de se désengager des fronts militaires de Somalie, de RCA et du Sud-Soudan, à cause des accusations, qu'il juge infondées, de participation aux activités de déstabilisation de la République Démocratique du Congo, ne tient pas à perdre un acteur de la pais en Afrique de la taille de l'Ouganda.

On a d'ailleurs eu l'impression que l'ambassadeur Puri a semblé calmer le jeu, en faisant savoir que les sanctions réclamées par le panel d'experts indépendants de l'Onu dans le dossier sécuritaire de l'Est de la RDC visaient non pas l'Ouganda et le Rwanda, mais plutôt des individus, ressortissants de ces deux pays. Autrement dit l'Ouganda et le Rwanda ne devraient pas s'agiter outre mesure, leur appui militaire, financier et logistique à la rébellion du M 23 n'étant pas établi. Les Congolais, qui continuent de rêver debout, en pensant que le ciel va finir par tomber sur les têtes du président rwandais Kagame et de son homologue Museveni, devraient remettre les deux pieds sur terre. Il leur appartient de se prendre en charge pour espérer une sortie heureuse de la crise politico-militaire fabriquée de toutes pièces par les voisins rwandais et ougandais, avec malheureusement la complicité de certains faux patriotes.

Kimp

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