Le rapport de la Mission d'Observation Electorale de l'Union Européenne met fin à la polémique : Joseph Kabila n'est pas le président légitime de la RDC. Il faut rapidement fermer cette triste parenthèse. Etienne Tshisekedi doit rompre désormais son isolement politique. Son jeune compatriote, Frédéric Boyenga Bofala, doit quant à lui sortir de son silence interpellant. L'avenir de la RDC réside dans ce tandem gagnant, entre le courage et l'intelligence. Messieurs, réveillez-vous et sortez enfin le pays de sa torpe.

Qui gouverne encore la RDC ? Cette question n'est en fait qu'une figure de style, une interrogation pleine d'ironie pour se jouer des apparences. En effet, Joseph Kabila n'est plus aujourd'hui qu'une figure politique disqualifiée et souillée par l'infamie d'une gouvernance morganatique (sans noblesse). Son escroquerie électorale a achevé de précipiter les institutions de la République dans une profonde torpeur. Cette crise était pourtant prévisible. Elle était déjà inscrite en relief sur le plat de l'accord global et inclusif de Sun City du 16 décembre 2002. Et seuls les profanes de la réalité politique congolaise pouvaient, crédules, se convaincre alors que les apparences ne mentaient pas et que des jours meilleurs chanteraient.

Le rapport final de la Mission d'Observation Electorale de l'Union Européenne ponctue désormais définitivement ce chapitre peu glorieux de l'histoire politique de la RDC et invite les congolais à se réveiller et à tourner la page de l'ère la plus sordide depuis l'indépendance nationale. Le verdict implacable des observateurs internationaux, stigmatisant sans concession les nombreuses irrégularités et les fraudes constatées lors du processus électoral, discrédite désormais la polémique fallacieusement discursive colportée avec aplomb et arrogance par certaine chancellerie occidentale quant à la crédibilité des résultats publiés par la CENI.

Joseph Kabila n'est pas le président élu. Et si les congolais, résignés et fatalistes, décidaient de cautionner cette imposture en croyant au mieux la combattre de l'intérieure et au pire la soutenir, ils commettraient une erreur mortelle et orchestreraient leur propre requiem. Heureusement, certains esprits veillent comme des phares dans la nuit. Et quoi que l'on en pense, même si nous critiquons pour certain leur indécision, à l'image d'un Etienne Tshisekedi, téméraire mais entier, ou louons leur qualité intellectuelle, à la manière d'un Frédéric Boyenga Bofala visionnaire, ces esprits courageux méritent que nous parlions d'eux et que nous les aidions, à notre manière, parfois sévère et abrupte mais toujours juste, objective et honnête, à cheminer vers la place que leur reconnaît leur destin entre le flambeau et les étoiles.

L'Histoire offre en effet aux congolais une nouvelle chance. Ils doivent s'en saisir et mettre un terme à la crise. Car la RDC n'est pas morte. Elle n'est qu'exsangue. Sa torpeur n'est à notre sens qu'un chaos salutaire, un temps d'immobilisme propice à la gestation, à l'éveil des consciences et au regroupement des forces collectives. Un chaos ambiant d'où doit jaillir, triomphants, le désir naturel d'un ordre nouveau animé par une soif de liberté et un besoin vital d'émancipation démocratique.

Evidemment, pour saisir cette chance, il faut non seulement du courage politique mais il faut aussi du verbe, c'est-à-dire une aptitude à formuler intelligemment, de manière exhaustive et synthétique, une pensée politique susceptible d'embrasser dans sa globalité la réalité complexe de la crise politique, d'en dégager les contours, d'en souligner les dangers et d'en esquisser les solutions pour l'avenir. Un verbe capable de résonner à l'unisson dans la conscience collective congolaise sans pour autant s'aliéner le reste du monde.

Du courage, Etienne Tshisekedi en a objectivement fait la démonstration et même en considérant que sa stratégie électorale était d'emblée promise à l'échec, nul ne pensait qu'au-delà de la défaite, son intransigeance et sa détermination permettrait à tout le moins de dévoiler les rouages d'une nouvelle falsification planifiée de l'histoire et d'en démasquer les bénéficiaires. Cependant cela ne suffit pas pour gagner. Aujourd'hui, si l'homme de Limete est politiquement isolé, c'est pour avoir entre autres choses mésestimé la profondeur de la crise morale dont souffrent les congolais et pour avoir orgueilleusement surestimé la force de cohésion de son parti. Or, cet isolement, encore renforcé au lendemain de séjour du ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, il lui faut le briser au plus vite et profiter judicieusement des effets bénéfiques du rapport de la Mission d'Observation Electorale de l'Union Européenne pour nouer de nouvelles alliances solides et sortir de l'ornière, tout en évitant l'écueil de la popularité. Il doit tendre la main vers ceux qui sauront épauler efficacement son action politique. Nous pensons en priorité, à son jeune compatriote Frédéric Boyenga Bofala.

Ce dernier dispose en effet de très précieux atouts. Le projet politique qu'il expose dans son dernier ouvrage, «Au nom du Congo Zaïre »témoigne d'une vision réaliste, ambitieuse et parfaitement mûrie que seul un travail de fond considérable et une excellente maîtrise des enjeux politiques congolais, régionaux et internationaux peuvent expliquer. C'est en effet et plus que jamais à la lumière des faits politiques actuels et des analyses fournies par le rapport de la Mission d'Observation Electorale concluant que «les résultats publiés par la CENI ne sont pas crédibles »que s'impose naturellement toute la constance, la justesse et la pertinence des analyses et des projets de ce jeune congolais. Et pour cause.

C'est en effet à Bruxelles, en mars 2010, dans le cadre d'une grande conférence à laquelle nous étions venus avec intérêt écouter l'intervention de l'ancienne congressiste américaine, Cynthia McKinney, que nous avons pris connaissance des deux ouvrages écrits par cet homme dont nous ignorions alors même l'existence, Frédéric Boyenga Bofala : «Congo Zaïre - Refaire la République, mission sacrée d'une génération »(Publisud 2001-) et «Congo Zaïre - Notre cause, le message et les ambitions d'une juste cause »(Publisud 2003). Dès la première lecture, ses idées et son style nous avaient alors fortement interpellés tant par la construction intellectuelle, analytique et prospective, de sa démarche politique - elle avait d'ailleurs manifestement inspiré la communauté internationale à travers la création de la «Conférence internationale des Grands lacs »-, que par l'intense émotion qui se dégageait de sa plume au gré des pages. Nous avions alors jugé utile d'observer ce cas particulier avec la distance qu'il sied évidemment à l'objectivité de notre profession.

Nous étions toutefois restés un peu sceptiques en lisant la «mise en garde »que l'auteur de «l'Agenda 2002 pour la restauration et la maintien de la paix dans la Région des Grands lacs... »avait adressées à ses compatriotes quelque mois plus tard, dans une interview du 22 décembre 2010 accordée à notre confrère Dieudonné Kwebe Kimpele, soit un an avant les élections. Mais manifestement, aujourd'hui, il faut reconnaître que le propos était «prophétique »: «Je peux vous dire que Tshisekedi ne pourra pas battre Kabila. Non pas parce que le président sortant est plus populaire ou a le meilleur projet mais simplement parce que l'élection au Congo ne se gagne pas dans l'isoloir. Elle se gagne par des manipulations informatiques. Le président de l'UDPS se lance, à mon avis, dans une "expérimentation hasardeuse" qui risque de signer sa mort politique. Je voudrais demander au président Tshisekedi - un homme pour qui j'ai beaucoup de respect - de reconsidérer sa position en écoutant et en consultant »(http://mokengeli.info/information-politique/interview-boyenga-decembre-mokengeli.html).

Malheureusement, Frédéric Boyenga Bofala semble tarder à devenir cet acteur majeur qu'avec certains de ses compatriotes, nous appelons de nos vœux, et à prendre définitivement la place qui lui revient. Son silence, dans un moment aussi déterminant, interpelle. Il pourrait presque donner du crédit à la rumeur de son décès, si ce n'était que les morts empruntent rarement les lignes d'Air France pour se rendre à l'Orient éternel ! Les circonstances l'obligent donc à sortir de sa réserve car en politique le silence est comme l'isolement : une dangereuse impasse, l'antichambre de l'oubli, et la porte ouverte aux cancans. Or c'est précisément là, dans l'oubli et la marginalisation, qu'au cœur de l'Europe, un certain courant diplomatique, relativement isolé dans le concert des nations, cherche à confiner ces deux figures politiques, inquiète à tort ou à raison, du risque que la conjugaison de leurs singularités pourrait faire courir aux intérêts qu'elle défend.

Le projet séduisant que Frédéric Boyenga Bofala offre à ses compatriotes et au-delà à tous les africains épris de modernité est sans discussion possible la meilleure contribution politique que notre rédaction ait pu lire ces dernières années. Elle a d'ailleurs été saluée comme telle par la plupart des chancelleries occidentales et africaines qui ont eu à en prendre connaissance. Nous ne sommes donc pas les seuls à le penser. En occident, où récemment nos confrères de l'AFP ont été amplement séduits par son pragmatisme ; en Afrique où l'un de nos confrères de la presse mauritanienne nous livrait après lecture qu' «avec une telle vision pour le Congo, on peut enfin espérer que ce géant dont dépend notre avenir à tous va se réveiller »; et même en Israël, où un célèbre confrère du quotidien Haaretz, bien au fait des liaisons dangereuses entre Kinshasa et le régime iranien des Mollahs, nous a confié tout l'intérêt que certains enfants de Moïse portaient à cette figure politique émergente, probe mais ... trop discrète. L'auteur d'une telle contribution ne saurait donc demeurer muet davantage. Aussi, notre propos est de l'interpeller sévèrement et de l'enjoindre au plus vite de se faire connaître là où son nom ne résonne pas encore car, notre rédaction en est convaincue, son verbe contribuera sans aucun doute à infléchir le cours de l'histoire en RDC.

La récente leçon de démocratie au Sénégal, comme pour mieux ridiculiser encore ceux qui, à l'image du Président de la Chambre belge des Représentants, André Flahaut, qui s'était précipité pour «saluer de tout cœur le travail remarquable effectué par la Ceni afin de garantir un processus électoral digne d'une démocratie moderne », se plaisent à congratuler l'ignominie, est un cadeau pour l'Afrique et pour les congolais en particulier. Elle témoigne de ce que sur ce continent, il existe bel et bien une conscience éclairée qui n'accepte pas qu'on lui impose la médiocrité comme étalon de vertu. Etienne Tshisekedi et son jeune compatriote Frédéric Boyenga Bofala, par leur lutte respective, participent assurément et chacun à leur manière de cette conscience. Nous persistons à penser qu'il s'agit d'un tandem gagnant pour le Congo. Même si l'un plus que l'autre détient entre ses mains la clé de la victoire finale. Nous parlons bien évidement de celui qui a appris à regarder vers l'étoile et à partager sa richesse. Mais ne nous trompons pas, c'est dans leur union que les congolais gagneront le plus à les voir franchir la ligne d'arrivée.

Il est donc temps de vous réveillez, Messieurs !

LUKOJI ILUNGA
ALBAN KEFLER
Afrikanews rédaction - 2012
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